L'incidence inquiétante de l'arrêt du Conseil d'État du 1er mars 2024 sur la présomption d'innocence et le secret du conseil en contestation de perquisition
Le Conseil d’État est passé là. Après le législateur. « Tout est ruine et deuil ». La présomption d’innocence et le secret professionnel de l’avocat en matière de conseil stricto sensu ne sont plus qu’« un sombre écueil » au cours de l’enquête pénale et en particulier en perquisition. Victor Hugo nous donne la force de confier nos inquiétudes et de renaître de nos cendres.
CE, 1er mars 2024, nos 462957, 463588 et 463683
Tristement, le Conseil d’État a rejeté les requêtes de l’Ordre du barreau de Paris, de l’Ordre du barreau des Hauts-de-Seine, de la Conférence des bâtonniers, du Conseil national des barreaux et de l’Association des avocats pénalistes (ADAP), aux fins d’annulation de la circulaire du 28 février 2022 « présentant les dispositions de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire renforçant la protection des droits de la défense ».
Le Conseil d’État a privilégié « la poursuite du but légitime que constitue la prévention des infractions pénales » alors que la circulaire critiquée interprétait la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire censée renforcer « la protection des droits de la défense ».
Les requérants recherchaient l’annulation de la circulaire pour excès de pouvoir, parce qu’elle était entachée d’incompétence négative donnant une[...]
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Par son arrêt du 30 janvier 2024, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que le respect du délai de cinq jours imposé au JLD par l’article 56-1, alinéa 4, du CPP pour se prononcer sur la contestation n’est prescrit à peine de nullité ni par ce texte ni par l’article 59 du CPP, en ajoutant que les convocations adressées à l’avocat pour l’audience peuvent l’être par tout moyen compte tenu du « très bref délai imparti à ce magistrat pour se prononcer » (Cass. crim., 30 janv. 2024, n° 23-82058).
CEDH, 24 oct. 2008, n° 18603/03, André et a. c/ France, § 46 à 48.
Cons. const., QPC, 19 janv. 2023, n° 2022-1031, § 11 : « Le principe d’impartialité ne s’oppose pas à ce que le juge des libertés et de la détention qui a autorisé une perquisition statue sur la contestation d’une saisie effectuée à cette occasion par un autre juge des libertés et de la détention ».
La notion de « raisons plausibles de soupçonner » suppose l’existence d’indices apparents pouvant objectivement justifier un acte (F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 2e éd., 2012, Economica, p. 1422 et 1630). La CEDH estime que « l’existence de soupçons plausibles présuppose celle de faits ou renseignements propres à persuader un observateur objectif que l’individu en cause peut avoir accompli l’infraction » (CEDH, 30 août 1990, nos 12244/86, 12245/86 et 12383/86, Fox Campbell et Hartley c/ Royaume-Uni, § 32).
Notion complexe, « la preuve porte sur tous les éléments dont dépend l’issue du procès pénal ou, en d’autres termes, sur tous les faits et actes juridiques servant l’accusation ou la défense » (F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 2e éd., 2012, Economica, p. 378).
Union syndicale des magistrats, « Observations sur l’inconstitutionnalité de plusieurs dispositions de la loi dite “confiance” dans la justice (“Porte étroite”). Saisines nos 2021-829 et 2021-830 DC ».
CEDH, 24 août 2018, n° 28798/13, Laurent c/ France, § 35.
CEDH, 16 juin 2016, n° 49176/11, Versini-Campinchi et Crasnianski c/ France, § 76.
CJUE, 8 déc. 2022, n° C-694/20, Orde van Vlaamse Balies et a. c/ Vlaamse Regering, § 27.
CJUE, 6 juin 2019, n° C-264/15, P. M. et a. c/ Ministerraad, § 37.
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