L'intérêt de l'enfant et la réforme du divorce par consentement mutuel
Depuis le 1er janvier dernier, le prononcé du divorce par consentement mutuel exclut en principe l’intervention du juge aux affaires familiales, les époux devant désormais consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par leurs avocats et déposé au rang des minutes d’un notaire. Ce nouveau droit commun du divorce par consentement mutuel est écarté dans l’hypothèse où l’enfant mineur du couple, capable de discernement, demande à être entendu par le juge, ce qui a pour effet de judiciariser le divorce de ses parents. Que le divorce par consentement mutuel emprunte ou non la voie judiciaire, il apparaît que l’intérêt de l’enfant a été sacrifié par la réforme issue de la loi du 18 novembre 2016.
Le 1er janvier dernier, est entrée en vigueur la réforme du divorce par consentement mutuel1, issue de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle2, qui a déjudiciarisé ce cas de divorce. Tandis que le projet de loi initial, déposé au Sénat en juillet 2015, ne contenait aucune disposition relative au divorce3, le gouvernement a présenté, en avril 2016, un amendement devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, visant à introduire le divorce sans juge dans le Code civil4. Le divorce extrajudiciaire devait répondre à un triple objectif de simplification de la procédure, de célérité du divorce par consentement mutuel et de[...]
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L’article 114, V, de la loi du 18 novembre 2016 a précisé que l’article 50, relatif au divorce par consentement mutuel, entrait en vigueur le 1er janvier 2017. Il résulte de ce même article que les dispositions nouvelles ne sont pas applicables aux divorces par consentement mutuel en cours au moment de l’entrée en vigueur de la réforme, lorsque la requête en divorce avait été déposée au greffe avant le 1er janvier 2017.
L. n° 2016-1547, 18 nov. 2016, art. 50, de modernisation de la justice du XXIe siècle : JO n° 0269, 19 nov. 2016.
Projet de loi n° 661 portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle, présenté au nom du Premier ministre par la garde des Sceaux, ministre de la Justice, enregistré à la présidence du Sénat le 31 juillet 2015.
Amendement n° CL186 au projet de loi n° 3204 relatif à l’action de groupe et à l’organisation judiciaire, présenté le 30 avril 2016 par le gouvernement, adopté.
V. notamment le dossier de présentation « Justice 21 – réforme de modernisation de la justice du XXIe siècle » diffusé en novembre 2016 par le ministère de la Justice.
Guinchard S. (prés.), « L’ambition raisonnée d’une justice apaisée », rapport au garde des Sceaux de la commission sur la répartition des contentieux, août 2008, spéc. p. 87-119. La commission Guinchard avait notamment envisagé de confier le divorce par consentement mutuel à un officier d’état civil, à un notaire ou à un greffier, avant d’écarter ces propositions, notamment au regard des « risques d’une éviction du juge, garant traditionnel de la protection de l’intérêt de chaque époux et des enfants ».
Delmas-Goyon P., « Le juge du XXIe siècle – Un citoyen acteur, une équipe de justice », rapport à la garde des Sceaux, ministre de la Justice, décembre 2013.
V. la proposition n° 49 du rapport, p. 107-108.
En ce sens, V. notamment l’amendement n° COM-78 à l’article 17 ter du projet de loi n° 796 de modernisation de la justice du XXIe siècle, présenté le 19 septembre 2016 par Détraigne Y., rapporteur, lors de l’examen du texte par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale du Sénat, qui visait à donner aux époux une alternative entre le recours au divorce par consentement mutuel judiciaire traditionnel ou au nouveau divorce par consentement mutuel extrajudiciaire.
Le 2° de l’article 229-2 du Code civil écarte également la possibilité pour les époux de consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats lorsque l’un des époux est placé sous un régime de protection juridique, ce qui est logique au regard de l’article 249-4, qui dispose qu’aucune demande en divorce par consentement mutuel ou pour acceptation du principe de la rupture du mariage ne peut être présentée lorsque l’un des époux est placé sous un régime de protection juridique.
C. civ., art. 230 qui figure, depuis la loi du 18 novembre 2016, dans le second paragraphe d’une section consacrée au divorce par consentement mutuel, intitulé « Du divorce par consentement mutuel judiciaire ».
D. n° 2016-1907, 28 déc. 2016, relatif au divorce prévu à l’article 229-1 du Code civil et à diverses dispositions en matière successorale : JO n° 0302, 29 déc. 2016.
C. civ., art. 229-1, al. 1, dans le cadre de la procédure de divorce par consentement mutuel judiciaire, les époux peuvent faire le choix d’un avocat commun : C. civ., art. 250, al. 1.
L’article 229-1 du Code civil précise que la convention est établie dans les conditions de l’article 1374, relatif à l’acte sous signature privée contresigné par le ou les avocat(s) des parties.
Ces mentions sont visées par l’article 229-3 du Code civil.
CPC, art. 1145, al. 1.
C. civ., art. 229-4, al. 1.
CPC, art. 1146, al. 1.
CPC, art. 1146, al. 3.
C. civ., art. 247, 1°. Toutefois, lorsque les époux, engagés sur la voie d’un divorce contentieux, souhaitent se diriger vers un divorce par consentement mutuel mais que l’enfant mineur demande à être entendu en justice, ils doivent logiquement s’orienter vers un divorce par consentement mutuel judiciaire. Pour ce faire, ils demandent au juge de constater leur accord et lui présentent une convention réglant les conséquences de leur divorce : C. civ., art. 247, 2°. Leur requête comprend en annexe le formulaire par lequel l’enfant demande son audition : CPC, art. 1091.
Le décret du 28 décembre 2016 a également envisagé une passerelle entre le divorce par consentement mutuel extrajudiciaire et un divorce judiciaire, en énonçant à l’article 1148-2, alinéa 2, du Code de procédure civile que les époux peuvent, jusqu’au dépôt de la convention de divorce au rang des minutes d’un notaire, saisir le juge aux affaires familiales d’une demande de divorce judiciaire dans les conditions prévues aux articles 1106 et 1107, lesquels sont relatifs à la requête initiale en vue du prononcé d’un divorce accepté, d’un divorce pour altération définitive du lien conjugal ou d’un divorce pour faute.
V. par exemple, à l’occasion de la discussion du texte par l’Assemblée nationale en première lecture, l’amendement n° 40 à l’article 17 ter du projet de loi n° 3726 de modernisation de la justice du XXIe siècle, présenté le 12 mai 2016 par Geoffroy G. et a., rejeté.
L. n° 2002-305, 4 mars 2002, art. 5, relative à l’autorité parentale : JO n° 54, 5 mars 2002, p. 4161.
L. n° 75-617, 11 juill. 1975, art. 1, portant réforme du divorce : JO n° 0161, 12 juill. 1975, p. 7171.
C. civ., art. 247, al. 2, anc.
Amendement n° 243 à l’article 17 ter du projet de loi n° 3904 de modernisation de la justice du XXIe siècle, présenté le 7 juillet 2016 par Capdeville C., retiré. La députée a retiré son amendement à la demande du garde des Sceaux, qui préparait le décret n° 2016-1906 du 28 décembre 2016 relatif à la procédure d’homologation judiciaire des conventions parentales prévue à l’article 373-2-7 du Code civil : JO n° 0302, 29 déc. 2016, lequel a prévu à l’article 1143 du Code de procédure civile une procédure simplifiée, notamment par la suppression d’une audience systématique, lorsque les parents sollicitent du juge aux affaires familiales l’homologation de la convention par laquelle ils organisent les modalités d’exercice de l’autorité parentale et fixent la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant.
Cons. const., 17 nov. 2016, n° 2016-739 DC, loi de modernisation de la justice du XXIe siècle.
Du plus vulnérable des époux notamment sur le plan économique, mais également de celui qui serait victime de violences conjugales et serait, partant, disposé à accepter de signer une convention de divorce dont il est conscient qu’elle ne préserve pas ses intérêts, dans le seul souci de s’extraire au plus vite de la situation d’emprise dans laquelle il se trouve.
Le ministre de la Justice a, à différentes reprises, affirmé que les conventions de divorce soumises aux juges aux affaires familiales dans le cadre du divorce par consentement mutuel judiciaire étaient homologuées par le juge dans 99 % des cas : V. notamment le communiqué de presse du garde des Sceaux du 27 décembre 2016 relatif à l’entrée en vigueur de la réforme du divorce par consentement mutuel au 1er janvier 2017.
Ce contrôle devait être réel et effectif, la Cour de cassation ayant eu l’occasion de censurer des décisions de juges aux affaires familiales ayant homologué la convention de divorce des époux sans avoir examiné si elle préservait suffisamment les intérêts des enfants : V. Cass. 2e civ., 27 mai 1998, n° 96-18620 : RTD civ. 1998, p. 661, obs. Hauser J.
C. civ., art. 232, al. 2.
CPC, art. 1100, al. 3.
CPC, art. 1099, al. 2.
En ce sens, Tasca C. et Mercier M., « Rapport d’information fait au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale sur la justice familiale », n° 404, 26 févr. 2014, p. 37.
L’article 229-1, alinéa 2, du Code civil précise en effet que la convention de divorce « est déposée au rang des minutes d’un notaire, qui contrôle le respect des exigences formelles prévues aux 1° à 6° de l’article 229-3 » et « s’assure (…) que le projet de convention n’a pas été signé avant l’expiration du délai de réflexion prévu à l’article 229-4 ».
À savoir la convention homologuée par le juge aux affaires familiales ou, depuis la loi du 18 novembre 2016, la convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par avocats déposée au rang des minutes d’un notaire.
Delmas-Goyon P., « Le juge du XXIe siècle – Un citoyen acteur, une équipe de justice », rapport préc., p. 70, mentionnant le constat fait par « tous les juges aux affaires familiales ».
Ibid.
C. civ., art. 232, al. 1.
C. civ., art. 229-3, al. 1.
C. civ., art. 229-3, 3°.
« La plus mauvaise transaction (…) est meilleure que le meilleur procès » : de Balzac H., Code des gens honnêtes, 1826, Librairie nouvelle.
L. n° 93-22, 8 janv. 1993, art. 53, modifiant le Code civil relative à l’état civil, à la famille et aux droits de l’enfant et instituant le juge aux affaires familiales : JO n° 7, 9 janv. 1993, p. 495.
Article 3 de la Convention.
L. n° 2007-293, 5 mars 2007, art. 9, réformant la protection de l’enfance : JO n° 55, 6 mars 2007, p. 4215.
Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000 : JOUE n° L338, 23 déc. 2003, p. 1.
Art. 23 et 41 du règlement.
Exposé sommaire de l’amendement n° CL186 au projet de loi n° 3204, préc.
V. notamment, à l’occasion de la discussion du texte par l’Assemblée nationale en première lecture, l’amendement n° 42 à l’article 17 ter du projet de loi n° 3726 de modernisation de la justice du XXIe siècle, présenté le 12 mai 2016 par Geoffroy G. et a., adopté.
Sous-amendement n° 398 à l’amendement n° 266 à l’article 17 ter du projet de loi n° 3726 de modernisation de la justice du XXIe siècle, présenté le 18 mai 2016 par le gouvernement, adopté.
Depuis le décret n° 2009-572 du 20 mai 2009 relatif à l’audition de l’enfant en justice : JO n° 0119, 24 mai 2009, p. 8649 ; l’article 338-1, alinéa 1, du Code de procédure civile prévoit que « le mineur capable de discernement est informé par le ou les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale (…) de son droit à être entendu et à être assisté d’un avocat dans toutes les procédures le concernant ».
Circ. n° CIV/02/17, 26 janv. 2017, de présentation des dispositions en matière de divorce par consentement mutuel et de succession issues de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et du décret n° 2016-1907 du 28 décembre 2016 relatif au divorce prévu à l’article 229-1 du Code civil et à diverses dispositions en matière successorale.
Arrêté du 28 décembre 2016 fixant le modèle de l’information délivrée aux enfants mineurs capables de discernement dans le cadre d’une procédure de divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire : JO n° 0302, 29 déc. 2016.
Il est loisible à ce titre de s’étonner que la mention selon laquelle l’information n’a pas été communiquée à l’enfant mineur en raison de son absence de discernement n’a été envisagée, au sein du Code de procédure civile, que par le décret du 28 décembre 2016, alors que celle selon laquelle le mineur a été informé de son droit d’être entendu par le juge et n’a pas souhaité en faire usage a été introduite à l’article 229-3, 6°, par la loi du 18 novembre 2016, ce qui peut poser question sur la cohérence d’ensemble du dispositif.
C. civ., art. 388-1, al. 4.
Mallevaey B., L’audition du mineur dans le procès civil, Vassaux J. (dir.), thèse de l’université d’Artois, 2015, nos 532 et s.
Situé dans une section relative aux conséquences du divorce pour les enfants, l’ancien article 290 3° du Code civil, créé par la loi du 11 juillet 1975, commandait au juge de tenir compte « des sentiments exprimés par les enfants mineurs lorsque leur audition [avait] paru nécessaire et qu’elle ne [comportait] pas d’inconvénients pour eux ».
En ce sens, les motifs de l’amendement déposé par le gouvernement en vue de la réforme du divorce par consentement mutuel indiquaient que le nouveau divorce extrajudiciaire avait vocation à se substituer à la majorité des cas de divorce par consentement mutuel : exposé sommaire de l’amendement n° CL186 au projet de loi n° 3204, préc. Des députés avaient par ailleurs souligné qu’il était « naïf de penser que les enfants mineurs, chamboulés par un divorce et tiraillés entre leurs deux parents, [feraient] souvent la démarche de demander une audition devant le juge » : v. notamment l’amendement n° 101 à l’article 17 ter du projet de loi n° 3726 de modernisation de la justice du XXIe siècle, présenté le 12 mai 2016 par M. Le Fur et a., rejeté.
Circ. n° CIV/02/17, 26 janv. 2017.
Ainsi, les époux peuvent faire le choix d’un avocat commun ou d’être chacun assisté par un avocat : C. civ., art. 250, al. 1. Le juge examine la demande avec chacun des époux, puis avec les époux ensemble, avant d’appeler leur(s) avocat(s) : C. civ., art. 250, al. 2. Il homologue la convention et prononce le divorce si la volonté de chaque époux au divorce est réelle, si leur consentement est libre et éclairé : C. civ., art. 232, al. 1 et C. civ., art. 250-1 et s’il constate que la convention préserve suffisamment les intérêts de chaque époux et des enfants mineurs : C. civ., art. 232, al. 2, a contrario.
Circ. n° CIV/02/17, 26 janv. 2017.
CPC, art. 1092, al. 2.
Conformément à la L. n° 91-647, 10 juill. 1991, art. 9-1, relative à l’aide juridique : JO n° 162, 13 juill. 1991, p. 9170, qui dispose que « dans toute procédure le concernant, le mineur entendu dans les conditions mentionnées à l’article 388-1 du Code civil, s’il choisit d’être entendu avec un avocat ou si le juge procède à la désignation d’un avocat, bénéficie de droit de l’aide juridictionnelle ».
C. civ., art. 388-1, al. 3.
Comme le lui permet l’article 1100, alinéa 1er, du Code de procédure civile.
Ainsi que l’admet C. civ., art. 250, al. 1er.
Exposé sommaire de l’amendement n° CL186 au projet de loi n° 3204, préc.
V. le communiqué de presse du Défenseur des droits du 13 mai 2016, « Le défenseur des droits alerte sur la proposition de réforme du divorce par consentement mutuel sans saisine du juge au détriment de l’intérêt supérieur de l’enfant ».
Plainte auprès de la commission européenne pour violation par la France du droit de l’Union européenne – Violation par la France du droit de l’Union européenne suite à la réforme du divorce entrée en vigueur le 1er janvier 2017, déposée en avril 2007 par Nourissat C., Boiche A., Eskenazi D., Meier-Bourdeau A. et Thuan dit Dieudonné G.
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