Observations sur le contrat d'entreprise dans l'avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux
L’avant-projet de réforme des contrats spéciaux propose de moderniser les textes relatifs au contrat d’entreprise par l’ajout de plusieurs dispositions. Si l’ensemble est globalement convaincant, en ce qu’il tient compte des tendances jurisprudentielles de la matière – pour les consacrer ou les briser –, certaines modifications peuvent être proposées à la marge. Par ailleurs, des interrogations relatives à l’articulation avec le droit commun des contrats émergent à la lecture de cette partie de l’avant-projet. Elles devront être tranchées pour assurer une application fluide des différents textes.
Un constat liminaire s’impose lorsque l’on songe à la réglementation du contrat d’entreprise dans le Code civil : les textes sont surannés. Tant les termes utilisés que le contenu prévu par ces dispositions.
Les termes tout d’abord : parler d’ouvrier et de louage d’ouvrage entraîne des risques d’incompréhension voire de confusion. L’avant-projet utilise des termes plus explicites :[...]
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Sur cette notion, v. not. G. Lardeux, « Le contrat de prestation de service dans les nouvelles dispositions du Code civil », D. 2016, Chron., p. 1659 ; O. Deshayes, T. Genicon et Y.-M. Laithier, Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, 2e éd., 2018, LexisNexis, p. 317.
V. not. PE et Cons. UE, dir. n° 2000/31/CE, 8 juin 2000, sur le commerce électronique – dans le domaine consumériste, PE et Cons. UE, dir. n° 2006/123/CE, 12 déc. 2006 – PE et Cons. UE, dir. n° 2011/83/UE, 25 oct. 2011 – sur les acceptions européenne et française de la prestation de service, v. N. Sauphanor-Brouillaud et a., Contrats de consommation – Règles communes, 2e éd., 2018, LGDJ, n° 56.
F. Labarthe et C. Noblot, in J. Ghestin (dir.), Le contrat d’entreprise, Traité des contrats, 2008, LGDJ, n° 343 : « Le principe de la licite indétermination du prix en matière de contrat d’entreprise ou louage d’ouvrage est acquis depuis toujours dans notre droit ».
L’article 1165 du Code civil vise la prestation de services. Or, le contrat d’entreprise est nécessairement une prestation de service : O. Deshayes, T. Genicon et Y.-M. Laithier, Réforme du droit des contrats, 2e éd., 2018, p. 317.
L. n° 2015-990, 6 août 2015, mod. L. n° 71-1130, 31 déc. 1971, art. 10.
L. n° 71-1130, 31 déc. 1971, art. 10.
CA Papeete, 2 août 2017, n° 17/00008 : Dalloz actualité, 13 sept. 2017.
CA Limoges, 12 sept. 2017, n° 16/014221 – CA Limoges, 12 sept. 2017, n° 16/014751 : Dalloz actualité, 16 nov. 2017.
Ce texte précise que les honoraires sont déterminés « selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et de ses diligences ».
« À défaut d’accord sur le prix, le juge le fixe en fonction de la qualité de l’ouvrage réalisé, des attentes légitimes des parties, des usages et de tout autre élément pertinent ».
Cass. 1re civ., 24 nov. 1993, n° 91-18650 : « Un accord préalable sur le montant exact de la rémunération n’est pas un élément essentiel du contrat de louage d’ouvrage, en sorte qu’en l’absence d’un tel accord, il appartient aux juges du fond de fixer la rémunération compte tenu des éléments de la cause ».
Pour sa disparition, O. Deshayes, T. Genicon et Y.-M. Laithier, Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, 2e éd., 2018, LexisNexis, p. 319 ; pour son maintien, F. Chénedé, Le nouveau droit des obligations et des contrats, 1re éd., 2016, Dalloz, n° 23.222. P. Puig, Contrats spéciaux, 2019, Dalloz, Hypercours, n° 841.
Sur les différences entre les deux situations, C. Grimaldi, « La fixation du prix », in « Le prix dans les contrats après la réforme », RDC sept. 2017, n° RDC114q4.
Sur la question, C. Gijsbers, « La révision du prix », in « Le prix dans les contrats après la réforme », RDC sept. 2017, n° RDC114q2.
G. Cornu et a., Vocabulaire juridique, 13e éd., 2020, PUF, V° Honoraires.
M. Latina et G. Chantepie, La réforme du droit des obligations. Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, 2016, Dalloz, Hors collection, p. 353, n° 431 ; contra C. Gijsbers, « La révision du prix », in « Le prix dans les contrats après la réforme », RDC sept. 2017, n° RDC114q2.
Tant le principe, Cass. 1re civ., 7 juill. 1998, n° 96-10387 : Bull. civ. I, n° 237 – Cass. 1re civ., 6 juin 2000, n° 97-18188 : Bull. civ. I, n° 172 – Cass. 2e civ., 13 mars 2003, n° 01-15933 : Bull. civ. II, n° 59 – que la limite en cas de fixation postérieure aux services rendus, Cass. 1re civ., 2 avr. 1997, n° 95-17606 : Bull. civ. I, n° 113 – Cass. 2e civ., 10 nov. 2021, n° 19-26183 : Dalloz actualité, 2 déc. 2021, obs. C. Caseau-Roche.
Cass. 1re civ., 3 mars 1998, n° 95-15799 : Bull. civ. I, n° 85 ; JCP G 1998, II 10115, note J. Sainte-Rose.
Cass. 2e civ., 9 déc. 2021, n° 20-10096, F-PB : JCP G 2022, 11, note C. Caseau-Roche ; RTD civ. 2022, p. 121, obs. H. Barbier ; RDC mars 2022, n° RDC200o2, note M. Latina.
Le choix de la violence était osé car on sait combien la Cour de cassation a été prudente ces dernières années pour reconnaître ce vice du consentement. Pour autant, la violence économique semblait être la qualification la plus en adéquation avec les faits de l’espèce ; cette analyse a été confirmée par la Cour de cassation.
Les deux principaux arrêts ont été rendus en assemblée plénière : Cass. ass. plén., 7 févr. 1986, n° 83-14631 : Bull. civ. ass. plén., n° 2 – Cass. ass. plén., 7 févr. 1986, n° 84-15189 : Bull. civ. ass. plén., n° 2 – Cass. ass. plén., 12 juill. 1991, n° 90-13602, Besse : Bull. civ. ass. plén., n° 5. Pour un rappel de l’historique, G. Viney, Introduction à la responsabilité, 4e éd., 2019, LGDJ, n° 307.
A. Bénabent, Droit des obligations, 2021, LGDJ, n° 272.
Sur la question des clauses opposables dans les chaînes de contrats, M. Leveneur-Azémar, Étude sur les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité, 2017, LGDJ, nos 707 et s.
Cass. ass. plén., 6 oct. 2006, n° 05-13255, Myr’ho c/ Bootshop : H. Capitant, F. Terré et Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, t. 2, comm. 185, et toutes les références citées – confirmée en 2020 par l’arrêt Bois Rouge, Cass. ass. plén., 13 janv. 2020, n° 17-19963 : D. 2020, p. 394, obs. M. Bacache ; D. 2020, p. 416, note J.-S. Borghetti ; Contrats, conc. consom. 2020, comm. 58, note L. Leveneur.
M. Leveneur-Azémar, Étude sur les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité, 2017, LGDJ, n° 683.
Projet, 13 mars 2017, art. 1234. Pour la défense de cette solution, M. Leveneur-Azémar, « Une solution convaincante pour l’engagement de la responsabilité des contractants par les tiers », JCP G 2017, 1182 ; G. Viney, « Réflexions à partir d’une nouvelle proposition relative à la responsabilité du débiteur contractuel à l’égard des tiers au contrat », RDC déc. 2019, n° RDC116h7 ; v. déjà M. Bacache, « Relativité de la faute contractuelle et responsabilité des parties à l’égard des tiers », D. 2016, p. 1454. Contra, J.-S. Borghetti, « La responsabilité des contractants à l’égard des tiers dans le projet de réforme de la responsabilité civile », D. 2017, p. 1846.
À condition d’étendre le bénéfice de la responsabilité contractuelle aux tiers légitimement intéressés à la bonne exécution du contrat.
Aux côtés de cette première cause d’exonération, il en existe une seconde, autonome, que constitue l’acceptation des risques. Pour cette dernière, il n’est pas nécessaire que le maître de l’ouvrage présente une compétence particulière. Il doit simplement avoir été éclairé et avoir pris un risque délibéré en toute connaissance de cause. Après avoir été confondues pendant un temps, les deux causes exonératoires ont retrouvé leur autonomie : Cass. 3e civ., 25 févr. 1998, n° 96-14537. Sur la question, P. Malinvaud, Droit de la construction, 2018-2019, Dalloz Action, n° 475.122.
Cass. 3e civ., 1er févr. 1989, n° 87-17979 : Gaz. Pal. 1989, n° 2, p. 502.
P. Malinvaud, Droit de la construction, 2018-2019, Dalloz Action, n° 472.151.
Rapports annuels de la troisième chambre civile des années 2007, 2008, 2009, 2011, 2012, 2013 et 2014.
Cass. 3e civ., 16 janv. 2020, n° 18-21895 – Cass. 3e civ., 16 janv. 2020, n° 16-24352 – Cass. 3e civ., 16 janv. 2020, n° 18-25915 : RDI 2020 p. 120, note C. Charbonneau.
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Plan
- 1La réforme des contrats spéciaux
- 1.1La préparation de l’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux
- 1.2Le point de vue de l’universitaire : l’opportunité d’une réforme
- 1.3Le point de vue du magistrat : l’opportunité de la réforme
- 1.4Le point de vue de l’avocat : l’opportunité de la réforme
- 1.5Premières vues sur l’avant-projet de réforme du droit de la vente et de l’échange
- 1.5.1I – Les grandes constantes substantielles
- 1.5.1.1A – Le consensualisme de la vente
- 1.5.1.2B – Le principe du transfert de propriété par le seul échange des consentements
- 1.5.1.3C – La capacité et les incapacités dans la vente
- 1.5.1.4D – Le contenu du contrat
- 1.5.1.5E – Les obligations du vendeur
- 1.5.1.6F – Les obligations de l'acheteur
- 1.5.1.7G – La lésion
- 1.5.2II – Les intégrations de solutions jurisprudentielles
- 1.5.3III – Les modifications ou innovations substantielles envisagées
- 1.5.1I – Les grandes constantes substantielles
- 1.6Regards critiques sur le bail dans l’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux
- 1.7La location, aussi dénommée bail
- 1.8Observations sur le contrat d'entreprise dans l'avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux
- 1.9Le contrat d’entreprise
- 1.10La réforme, le droit de la consommation et le droit de la distribution